La cohésion de genre lors du vote sur l’art. 66ter Al. 2 : projet législatif sur la poursuite des infractions entre conjoints/partenaires.

Selon Catalano (2009) et Wängnerud (2000),  les députées auraient davantage tendance à soutenir les intérêts des femmes (ex.: loi sur l’assurance maternité, allocation adoption, violence conjugale, etc) lors des votes parlementaires. Cette hypothèse est fortement contreversée, car d’une part, il peut s’agir de déclarations d’intention sans réelle volonté sous-jacente, d’autres part, les pressions partisanes, lobbyistes ou institutionnelles peuvent modifier la décision du vote final.

Anouk Lloren s’est questionné sur le sujet dans son ouvrage « Pour qui luttent les Femmes : de la représentation des intérêts des femmes au Parlement suisse » :

la politique partisane passe-t-elle avant les intérêts des femmes au parlement suisse ?

Le graphique 4.2 ci-dessous concerne la cohésion de genre lors du vote sur l’article 66ter Al. 2 du projet sur la modification du Code Pénal réglant la poursuite des infractions entre conjoints/partenaires de 2003. Cette nouvelle législation permet une poursuite d’office des violences domestiques, contrainte sexuelle, et viol au sein du couple, sans que la victime ne doive déposer plainte.

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Photo : Anouk Lloren, Pour qui luttent les femmes? De la représentation des intérêts des femmes au Parlement suisse,  Question de genre, autorisation exclusive de Seismo, 2015, Zürich et Genève, p.84

Le conseiller genevois libéral Jacques-Simon Eggly proposait que le « délai de réflexion accordé à la victime soit limité à trois mois » (Art. 66ter, al. 2 CP) au lieu de 6 mois afin d’accélérer la procédure. Le résultat de vote de cet amendement (qui ne fût pas publié) échoua pour 104 voix contre 54.
Si l’on analyse ce graphique, on peut constater que le degré de cohésion des hommes UDC pour la modification de cet amendement est parfaite (+1= cohésion parfaite en faveur;-1= cohésion parfaite contre; 0= aucune cohésion, aucune entente sur le sujet pour un groupe donné), ils sont à 100% pour un délai de réflexion en faveur des victimes de violence conjugale réduit. Ce comportement est contraire à leur thématique tant prônée telle que la sécurité, puisqu’ en votant de la sorte, la victime dispose de trois mois en moins pour réfléchir. La sécurité.. à l’intérieur ..du foyer domestique ne les interpellerait donc pas vraiment…

À l’inverse, pour ce vote intermédiaire,  les femmes UDC se sont ralliées aux femmes de gauche pour contrer cet amendement qui se positionne clairement en défaveur des intérêts des femmes victimes.Les femmes UDC tiennent à ce que les victimes conjugales aient un délai de réflexion minimum.
Quant aux hommes de gauche, ceux-ci étant généralement pour les intérêts des femmes à l’instar de la gente féminine de gauche : la cohésion partisane est parfaite.  A savoir que les femmes UDC ont fait défection à l’union partisane afin de privilégier les intérêts femmes ce qui est tout à leur honneur.
Cependant, cet exemple ne permet pas de généraliser une attitude pro intérêt femmes des députées UDC.

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Ibid, p.89, autorisation exclusive Seismo.

Si l’on observe le graphique 4.3, sur la cohésion de genre et sur la cohésion partisane lors des votes intermédiaires,  voici ce que l’on peut en déduire :

– la gauche reste maîtresse de la cohésion partisane puisque les intérêts femmes et féministes sont prônés autant du côté des hommes que des femmes. Hommes et femmes restent unis sur les questions femmes.

-l’index de Rice sur la cohésion de genre n’est pas significatif, ce qui veut dire que les députées ne s’allient pas de manière significative en général.

-le PLR et le PDC sont les moins homogènes concernant les votes intermédiaires de manière générale (n’arrivent pas à se mettre d’accord)

– les femmes de tout parti confondu allient davantage leurs forces  sur les questions de maternité et de reproduction, soit : leur corps leur appartient

-le PDC et l’UDC demeurent les plus hétérogènes : les femmes savent se distancier quand leurs intérêts en dépend. Cette défection partisane tient sa source dans le fait que ces deux partis ont gardé un modèle traditionnel de la famille auquel  les femmes UDC et PLR n’adhèreraient plus de nos jours.

-le taux d’homogénéité maximum pour projets féministes/autonomie/préférences/économie revient aux femmes UDC et de la gauche.

-celui de la reproduction rallie  les femmes PLR et de la gauche

-le plus grand clivage hommes-femmes PLR vise les préférences femmes (peu d’entente)

-les femmes PLR ne parviennent pas à se mettre entièrement d’accord sur la question de l’autonomie des femmes.

En conclusion, la cohésion de genre n’est pas confirmée dans les questions de préférences femmes et des projets féministes.
Les femmes ne s’allient pas de manière significative durant les votes intermédiaires au CN.
Les députées bourgeoises sont les seules qui s’éloignent de leur ligne partisane dans l’intérêt des femmes. Ceci étant sûrement dû au fait que la politique économique libérale suit une idéologie « hostile » aux femmes et non redistributive selon Anouk Lloren.